Danser Demain, le continent électronique en transition : bientôt le livre blanc, par Technopol

En mai 2020, Technopol lançait Danser Demain, réflexion au long cours sur l’opportunité qui nous est donnée de repenser notre façon de voir, créer et animer la vie nocturne et culturelle en France, et dont le point d’orgue a été la Paris Electronic Week à l’automne. Les 9 mai et 24 juin, l’événement sous forme de tables rondes virtuelles a réuni plus de 35 intervenant·e·s, artistes, penseur·euses, organisateur·rice.s et médias. Bientôt, l’association dévoilera son livre blanc Danser Demain, un outil éditorial composé de plus de 60 pistes concrètes pour construire l’avenir des musiques électroniques et mis à disposition de tout·e·s.

Le 13 mars 2020, une première réunion de préparation de la Paris Electronic Week est initiée par Technopol. Elle n’est pas annulée malgré l’annonce d’un confinement national, mais les discussions du soir s’orientent naturellement sur les impacts à court terme de cette nouvelle donne pour le secteur des musiques électroniques et des cultures nocturnes. Au JT, on nous parle de «guerre», et nous sommes déjà en cellule de crise pour parer à l’urgence, qui deviendra les mois suivants, à l’image de la fragilisation de la vie nocturne et culturelle ces dernières années, la norme d’un état d’urgence permanent. Tou·te·s en ont conscience ce soir-là, c’est une crise d’une autre échelle qui attend les acteur·rice·s du continent électronique à laquelle il faudra savoir apporter des réponses rapidement puisque, comme nous l’entendons alors : plus rien ne serait comme avant. 

Dans les semaines qui suivent, le groupe de programmation de l’association pose les premières bases de ce que va devenir le cycle de réflexion « Danser Demain » fédérant un large panel de parties prenantes des cultures de la nuit autour d’un triple enjeu : réagir à l’urgence situationnelle en cherchant des réponses à court et moyen terme pour protéger les acteur·rice·s du champ culturel indépendant d’une précarité démultipliée par la fermeture des lieux de diffusion, tenter malgré l’urgence de porter le regard vers des horizons moins bouchés et s’essayer à des réflexions prospectives dans ce temps «retrouvé» du confinement, opportunité sans nom pour repenser les pratiques et, enfin, porter un regard critique en arrière sur les travers, écueils et dangers du «business as usual» des dernières décennies. La Covid-19 appelait nos organisations à muter, nos principes d’action à évoluer, notre quotidien de professionnel·le·s de la culture à s’augmenter de dimension durables, inclusives et militantes, tout en sachant à quoi nous ne renoncerions pas : la création, la rencontre, la musique et la danse, les corps ensemble, la proximité de la foule et les sociabilités alternatives de la fête, ce «ring politique» selon les mots de Vincent Carry.

Danser Demain et imaginer les futurs plausibles des fêtes à venir oui, mais avec une attention renouvelée, dans la représentation de la pluralité et de la mixité des parties prenantes de la scène des musiques électroniques, et une ambition d’articuler ces réflexions prospectives à une démarche systémique : l’impact réel de pratiques plus responsables, inclusives et durables ne passera que par la coopération entre les différent.e.s acteurices de l’industrie. De plus, il importait de sortir de notre huis-clos de praticiens (artistes, gérant·e·s de clubs, collectifs, associations, labels, booker·euse·s, promoteur·rice·s…) pour se mettre à l’écoute d’autres intervenant·e·s à même d’apporter un regard à l’oblique : tant des universitaires (géographes, sociologues, politologues…) que des acteur·rice·s d’autres disciplines (art de la rue, danse, mise en scène, makers…) afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de réflexion, et de mobiliser les innovations déjà expérimentées ailleurs puisque, comme le formule Cédric Carles de SolarSoundSytem : “Aujourd’hui il faut les faire ces innovations énergétiques sinon on va droit dans le mur. On doit rétropédaler et regarder ce qui a été fait plus tôt, les précurseurs qui ont été oubliés”. Au total, sur les trois rendez-vous du cycle «Danser Demain», c’est plus de 100 intervenant·e·s de mondes pluriels qui ont échangé et dessiné des pistes concrètes pour des futurs souhaitables aux cultures électroniques, et réaffirmé les nécessaires ambitions de changement de ces acteur·rice·s pour l’Après qui se dessine. 

Parmi les nombreux chantiers identifiés, trois thématiques ont rapidement émergé : la dimension politique des espaces-temps festifs dans la génération d’autres modes d’être et de faire ensemble, au plus près des territoires et des usagers, dans un dialogue fécond et renégocié avec la puissance publique, la capacité de ces espaces-temps festifs à devenir des «safer spaces» inclusifs pour les différentes communautés et minorités de ses publics, la dimension durable et la réduction de l’empreinte carbone pour les événements. Au coeur de ces trois prismes, la volonté des acteur·rice·s des cultures électroniques d’un ancrage plus fort au sein d’une société en mouvement, et la recherche d’un impact sociétal, environnemental et sensible démultiplié pour devenir l’un des acteurs centraux de la transition. 

En somme, cette crise a-t-elle agit à la fois comme un révélateur des zones d’incohérence et de dysfonctionnement du «business as usual», un laboratoire d’innovations actuelles et à venir, un facilitateur de coopération entre acteurs au-delà des singularités et des composantes partisanes, et un levier d’ouverture vers d’autres mondes et disciplines pour ancrer durablement les initiatives du continent électronique dans une volonté de changement plus globale. Le cycle « Danser Demain » est l’une des premières pierres de ce chantier collectif et pair-à-pair, et dont la dynamique amorcée se doit d’être suivie de nouveaux modes d’agir de la part de la puissance publique, à la fois comme partenaire de discussion, facilitateur, notamment en instaurant des normes plus souples propices à l’expérimentation et à l’innovation, tout en reconnaissant aux cultures électroniques le statut qu’on leur doit : un fait culturel et social majeur qu’il importe de prendre en compte. La vie culturelle, nocturne et festive est un commun dont la société se doit de prendre soin. “La nuit et la fête ont beaucoup de choses à apprendre au jour”, cette formule du géographe Luc Gwiazdzinski sera le credo des chantiers des années futures. 

Danser Demain, le livre blanc

Au gré de ces échanges ont émergé de nombreuses pistes concrètes afin d’envisager d’une part, des alternatives à la situation actuelle et de faire exister, malgré tout, ces fêtes, ces nuits, ces productions culturelles et le lien communautaire qu’elles génèrent, d’autre part pour inventer des futurs plausibles et souhaitables en vue d’un retour vers les fêtes que nous connaissions jusqu’alors, mais qui seraient plus inclusives, plus durables, réinvesties d’une vision politique et militante. Au nombre de celles-ci : la coopération entre acteur·rice·s et la recherche de l’impact social en réfléchissant avec l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème, un « new deal » à penser dans le dialogue avec la puissance publique comme partenaire et facilitateur de premier ordre, au-delà du régime de contrôle, de normalisation afin de faire émerger des zones d’expérimentation et des marges de manoeuvre propices à l’innovation, le réinvestissement de l’espace public et la reconnexion des fêtes à leurs territoires d’ancrage, la responsabilisation et l’auto-détermination du public dans ses usages et ses choix de consommation, la réflexion sur de nouvelles temporalités, durées, fréquences et rythmiques pour les lieux de fête selon un principe de chronotopie, et la recherche de formes plus humbles et plus locales d’événements culturels. Retrouvez bientôt plus de 60 pistes prospectives pour des fêtes investies des valeurs défendues par Technopol et les participant·e·s au cycle dans le livre blanc “Danser Demain”.

Texte : Arnaud Idelon
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