Technopol Mix 121 | JOIA
DJ franco-brésilienne basée entre Paris et Rio, résidente chez BAE Party, JOIA crée des espaces de lâcher-prise joyeux et collectifs, où s’installent des atmosphères à la fois extatiques et enveloppantes. Ses sets mêlent ambiances trippy, sexy et joueuses, sonorités acid, organiques et dub, basses profondes, breaks syncopés et rythmes percussifs
Quel était ton premier gig ? Comment l’as-tu vécu ?
C’était à un mini festival début 2024. Ça faisait 2 ans que je mixais chez moi sans aucune autre prétention que mon propre plaisir. J’ai eu du mal à croire qu’on me confiait l’after d’un festival. Je me souviens comme si c’était hier de l’émotion que j’ai ressenti quand j’ai pu partager pour la première fois avec des gens mes sons préférés, et surtout, de l’ÉNORME claque qu’a été de les entendre pour la première fois sur un vrai système son.
A la fin du set, je me suis posée sur un canapé, le stress est redescendu. Je me dis à mon meilleur pote : « euh, je crois que je viens de réaliser un rêve ». D’un coup, des larmes de joie se sont mises à couler de mes yeux. Clairement un des meilleurs souvenirs de ma vie.
Quelle est l’histoire derrière ton nom d’artiste ?
JOIA, c’est le prénom que mon père voulait me donner. Le reste de ma famille a refusé car au Brésil, « joia » veut aussi dire “bijou”, ce qui aurait été un peu chelou.
Quand il a fallu choisir un nom d’artiste, ce mot s’est imposé tout seul. Je me suis rendu compte que je l’aimais pour sa sonorité, et aussi parce qu’il évoque la joie. C’est précisément l’émotion qui définit ma relation à la musique. Le côté plus latin du “a” final m’a semblé être un clin d’œil parfait à mes origines.
Qu’as-tu préparé pour ce podcast ? Peux-tu nous parler un peu de ta sélection ?
Pour ce podcast, j’ai choisi un moment : l’after. J’ai vraiment essayé de comprendre quel serait mon after idéal. J’avais envie de mettre en avant des artistes que j’adore (Konduku, Shoal, Dorisburg, CCL, Tauceti, OK Eg, Jin Synth…) mais aussi quelques pépites plus anciennes trouvées un peu par hasard sur Bandcamp. Il m’a fallu 1h38 pour poser exactement l’ambiance que j’avais en tête. On retrouve le côté trippy et percussif de mes sets, mais le fil rouge entre les tracks cette fois, c’est aussi une teinte solaire, douce et sexy.
En tant qu’artiste, comment souhaites-tu évoluer dans les années à venir ? Y a-t-il un nouveau moyen d’expression artistique que tu aimerais utiliser ?
J’ai décidé de partir à Rio jusqu’à l’été 2026. L’occasion parfaite pour replonger dans les classiques de la musique brésilienne et voir comment ils infusent la scène électronique locale. J’ai vraiment hâte de découvrir si et comment ce séjour va faire évoluer ce que j’aime jouer. Avec la richesse musicale et la proximité de la nature, je suis sûre d’en revenir inspirée et d’une certaine manière plus authentique. C’est aussi sûrement l’occasion de profiter de cette distance pour me lancer dans la prod aussi…
Que penses-tu de la nouvelle scène électronique qui apparaît aujourd’hui ?
Je n’évolue dans la scène électronique parisienne que depuis peu, mais j’y vois déjà beaucoup de choses positives. Grâce à des acteurices comme Consentis ou Réinventer la Nuit, je me suis immédiatement sentie en sécurité, même en tant que minorité de genre. Et avec Technopol et la PEW, des sujets de fond peuvent être discutés : sobriété dans la fête, accès aux lieux et aux financements, santé mentale… C’est un vrai pas en avant, même si j’aimerais que ces échanges deviennent plus réguliers.
Ce qui me frustre, en revanche, c’est la forte sectorisation des scènes. À Paris, sauf rares exceptions (comme lors des passages de Jane Fitz), les publics techno, house/électro, trance, ou breaks/bass semblent souvent venir avec une attente très précise, peu ouverts à la surprise ou au mélange. Pourtant, les meilleurs sets que j’ai vécus étaient justement ceux qui naviguaient entre les genres. C’est souvent en festival. Aujourd’hui, il reste encore difficile d’écouter ou de jouer des sets vraiment éclectiques dans des clubs, et c’est dommage.
Plutôt festival ou club ? Pourquoi ?
Festival, sans hésiter. La proximité avec la nature, un public plus renseigné, une mise en scène parfois presque théâtrale… Plein de conditions réunies pour que la magie s’opère. C’est souvent dans ce contexte que le public est le plus réceptif et que les artistes ont un véritable terrain de jeu pour s’exprimer dans toute leur complexité. En tant que festivalière, je chéris profondément ces moments de communion. En tant qu’artiste, ce sont les sets dans lesquels je puise mon inspiration au quotidien.