10 minutes avec la Care Team, l’équipe bienveillance du Horst Festival 2024

Retranscrire une rencontre, transmettre une histoire, délier les langues et apprendre de celles·ceux qui façonnent notre paysage des cultures électroniques. Technopol part à la découverte des personnalités singulières de notre milieu, certaines dans l’ombre et d’autres sur le devant de la scène.

Du 9 au 11 mai, le Festival Horst revient à Vilvorde, sur l’ancienne base militaire d’Asiat, au nord de Bruxelles, avec un savant mélange de musique électronique, d’art et d’architecture. Pour cette édition, Technopol a souhaité interviewer la responsable de leur équipe bienveillance Collective Care, Erika Evbuomwan, ainsi que leur directeur de la communication, Toon Timmerman, afin de comprendre comment Horst parvient à être l’un de ces festivals reconnus pour sa politique d’inclusion et bienveillance. L’occasion également de réfléchir à l’importance du concept d’espaces safer et aux différentes manières de les mettre en place.

 

Pourriez-vous commencer par vous présenter ?

Erika : Je m’appelle Erika Evbuomwan et j’ai 24 ans. Je suis la fondatrice du Leda Collective qui propose de rendre les événements à Gand plus safe. Ça fait deux ans que je travaille pour le Horst.

Toon : Je m’appelle Toon Timmerman, j’ai 28 ans. Je travaille pour le Horst depuis trois ans maintenant, donc c’est ma quatrième édition. Je suis responsable de toute la stratégie de communication et marketing du festival. Notre travail, c’est donc de traduire toutes les ambitions du programme en contenus en ligne et hors ligne. Je suis également responsable, avec Erika, de toute la communication autour du Collective Care.

 

Il y a deux ans, vous avez introduit le Collective Care Program au Horst festival. Pouvez-vous nous en dire plus sur le programme et comment il a été créé ?

Erika : Le Collective Care Program a commencé il y a deux éditions sous l’initiative de Ecology of Care, un collectif fondé par Zoë, Tobah et Zara. La base de notre réflexion, c’était de trouver la bonne manière de mettre en place une initiative de bienveillance pertinente. Cela passait d’abord par la façon dont nous voulions communiquer entre nous pour nous assurer que le Horst soit d’abord un espace safer en tant qu’organisation, et ensuite pouvoir le communiquer aux visiteur·euses et aux partenaires pour nous assurer que tout le monde soit sur la même longueur d’onde.

Toon : Oui, aujourd’hui, ça semble indispensable de mettre en place de tels dispositifs mais c’est tellement facile parfois pour certains orgas de simplement décrire leurs événement comme “sûrs”. Pourtant ça ne suffit pas. Il faut travailler à ce que ce soit le cas. Ensuite, le fait qu’on ait mis ces dispositifs en place très tôt nous bénéficie énormément maintenant que le festival grandit de façon exponentielle. Nous accueillons 10 000 personnes par jour, donc le risque que quelque chose se produise augmente ; nous accueillons également des communautés queer, donc il est vraiment nécessaire de faire en sorte que tout le monde se sente suffisamment en sécurité.

 

En quoi consiste votre dispositif de bienveillance et comment le mettez-vous en place ?

Erika : Je commence par écrire une charte avant le début du festival, j’essaie d’être aussi détaillée que possible sur la manière dont le travail avec le personnel devrait être, comment interagir avec les visiteur·euses devrait être, ou comment nous pouvons rendre les espaces un peu plus accueillants pour les personnes qui ont besoin d’un peu plus d’attention en matière d’accessibilité ou d’éclairage. J’essaie également de m’assurer que nous avons suffisamment de volontaires partout, car ce seront probablement les premiers points de contact pour les visiteur·euses s’ils ont des frustrations à partager, par exemple. Pour le recrutement, je contacte donc tous mes volontaires, je m’assure qu’iels sont tous informé·es de la politique du festival, puis je les invite sur place, leur fais faire un petit tour et leur dis à quoi iels peuvent s’attendre.

 

L’année dernière, vous avez également créé une safer zone spéciale, une salle calme. Pouvez-vous expliquer pourquoi et comment vous l’avez créée ?

Erika : En parallèle des grandes scènes et de l’effervescence du festival, on a voulu créer un espace où les gens peuvent se poser et être au calme. Pour les éditions précédentes, les gens utilisaient la salle ambiante comme salle de repos, mais l’année dernière, nous avons décidé de créer une salle calme comme un autre espace où se poser mais sans stimulus, sans musique. J’ai pu le décorer comme je le voulais avec l’idée en tête que les personnes qui avaient trop bu ou qui se sentaient un peu dépassées pouvaient s’arrêter, se détendre et se ressourcer avant de retourner à la fête.

 

Comment communiquez-vous avec vos équipes et le public ?

Toon : Pour le public, nous essayons de garder un ton aussi engageant que possible. Tout le monde ne sera pas d’accord avec cette réflexion mais plutôt que de nous concentrer sur le négatif et les risques, nous essayons de responsabiliser le public. Si on communique en disant “Horst n’est pas un endroit pour ceci et cela”, cela mettra l’accent sur les risques. On préfère dire “si vous faites ceci et vous comportez de cette manière, alors nous passerons tous un bon moment”. Comme ça, on ne laisse pas de place aux mauvaises choses qui peuvent se produire. C’est assez subtil mais jusqu’à présent, cela a très bien fonctionné. Cela aide aussi les gens à réaliser qu’iels ont un rôle à jouer pour se sentir en sécurité. Ensuite, nous avons aussi eu une discussion sur le nombre de panneaux qui doivent être placés partout. Il y a de grandes bannières et de la signalétique pour indiquer le Collective Care parce que nous devons être facilement trouvables, mais encore une fois, nous ne voulons pas trop souligner les risques pour que les gens ne se sentent pas comme s’ils devaient avoir peur de quelque chose. Enfin, nous envoyons également un email à tous·tes les acheteur·euses de billets avant le festival pour leur rappeler les valeurs de Horst et nous soulignons le fait que tout le monde a un rôle à jouer là-dedans.

 

Comment sélectionnez-vous et formez-vous les membres/volontaires du Collectif de Soins ?

Erika : Quand j’ai commencé l’année dernière, j’ai contacté des personnes de mon pool de volontaires que j’ai créé à Gand pour Leda Collective. J’ai également contacté les bénévoles de confiance d’autres collectifs à Bruxelles et à Anvers. Maintenant, j’ai une équipe de 50 volontaires. En ce qui concerne la formation, nous prévoyons une journée pour inviter les membres de l’équipe sur place, nous faisons un petit tour du site, je leur donne un petit guide sur la façon dont nous voyons le Collective Care, je leur montre comment ça va se passer, je m’assure qu’iels connaissent les règles du festival et sont au fait de ce qu’iels doivent faire pour prendre soin des visiteur·euses. Je prévois également un temps spécifique de questions-réponses pour m’assurer qu’il n’y a pas de questions sans réponse. J’essaie également de maintenir un lien fort avec les membres de l’équipe parce qu’iels doivent également se sentir en sécurité et à l’aise de faire, de remplir leur mission bienveillance.

 

Quels ont été vos apprentissages après la première expérience des Soins Collectifs ?

Erika : Assez bizarrement, quand je mets en place un dispositif safer dans des soirées lambda, c’est beaucoup plus intense car les gens viennent faire la fête là pour une période plus courte. Donc ma première année à Horst, je me suis préparée pour quelque chose de super intense mais j’ai été surprise de voir à quel point le public du Horst était plutôt bienveillant et comment iels ont appris à respecter notre état d’esprit et nos espaces. Aussi, parfois, j’ai peur que 50 volontaires ne soient pas suffisant·es et je m’inquiète un peu quand je ne vois pas de t-shirts rose à la ronde (le code vestimentaire des volontaires), mais en même temps, j’ai réalisé qu’iels ne devaient pas être si présent·es. C’est un peu un paradoxe car iels doivent être visibles mais nous ne voulons pas non plus qu’iels soient trop présent·es car cela revient à ce que Toon disait : nous ne voulons pas trop mettre l’accent sur les risques. Donc il y a l’espace calme où les gens peuvent aller de toute façon s’ils ne trouvent pas nos volontaires.

 

Avez-vous aussi votre mot à dire en ce qui concerne la direction artistique du festival, pour vous assurer que la programmation est inclusive, et pour vous assurer que les scènes des architectes sont accessibles ?

Erika : Pour les scènes, je m’assure qu’elles sont créées pour être aussi accessibles que possible. Je m’assure également que nous communiquons aux visiteur·euses si l’éclairage des scènes va être un peu flashy à certains moments. En ce qui concerne la musique, je n’ai pas vraiment mon mot à dire mais je sais que nos programmateurs se concentrent sur le fait d’être aussi inclusifs que possible.

Toon : Oui, dès la première édition, nous avons porté une grande attention à l’inclusion dans nos line-ups. Nous ne communiquons pas vraiment là-dessus, nous le faisons tout simplement. Et cela semble fonctionner car une programmation diversifiée attire également un public diversifié et j’ai toujours remarqué qu’il y avait des gens venant d’horizons très différents au Horst.

 

Le festival Horst est classé 3e parmi les festivals les plus inclusifs par l’étude de Female Pressure 2024.

 

Photos © Illias Teirlinck

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