Il était une fois les Club Kids

Il était une fois… La tecktonik, le thérémine, le voguing, la drum&bass, la vie des cultures électroniques. Vous connaissiez leur nom mais pas leur histoire. Travail d’investigation et de décryptage, Technopol vous fait revivre les courants, les genres, les événements, les machines, et les mouvements qui ont façonné la culture que nous connaissons aujourd’hui. 

Les Club Kids ont brillé aussi fort qu’ils se sont éteint rapidement. Des créatures nocturnes aux accoutrements improbables, qui repoussaient les limites de la fête, et dont le mantra sois qui tu veux, mais ne sois pas ennuyeux résumait parfaitement l’état d’esprit. Célèbres pour leurs excès, Ils formaient un cocktail pointu de drag-queen et de personnages loufoques, et laissent derrière eux un héritage artistique important, bien que controversé.

 

Les Club Kids, figures mythiques des soirées underground New Yorkaises, ont secoué la ville au début des années 90. Ce groupe de fêtard·es excentriques prônait une fête libre, où chacun·e avait l’opportunité de s’exprimer à sa façon. À travers une créativité débridée, mêlant art du drag et “self branding” dans une esthétique unique, les Club Kids incarnaient la mode, la musique mais aussi la consommation excessive de drogues. Mouvement marginal et contestataire de la politique conservatrice aux Etats-Unis, les Club Kids constituaient une safe place pour la communauté LGBTQI+, un espace de liberté et d’expression infini ayant ouvert la voie à la fluidité de genre.

“Pour les jeunes queers, il ne semblait y avoir aucun espoir. Comme si, nous, les homosexuels, nous étions condamnés à une mort prématurée. Alors nous avons choisi de porter des vêtements ridicules, de nous droguer et de danser. Si nous étions destinés à mourir, au moins, nous allions mourir en nous amusant” raconte Walt Cassidy, une des figures majeures du mouvement, ayant sorti en 2019 New York – Club Kids, un livre de photos inédites de ces derniers.

Walt Cassidy

Walt Cassidy

 

Tout commence en 1987, avec le décès d’Andy Warhol, pape du pop art et roi de la nuit New Yorkaise, qui laisse alors place aux nouvelles soirées complètement décalées du mouvement Club Kids. Ces derniers organisaient toutes sortes de manifestations festives, sous forme de performances pluridisciplinaires, dans des lieux aussi divers que des clubs, des fast food, et même dans le métro. Ces clubbers d’un genre nouveau faisaient de la nuit leur royaume, sous la houlette de leur leader et promoteur de soirées, Michael Alig. A travers dégaines extravagantes, musique, et excès, ils cherchaient à assouvir leur besoin de créativité, de liberté, mais aussi de reconnaissance, notamment face à l’épidémie du sida et à l’inaction des pouvoirs publics. Les Club Kids s’imposèrent rapidement dans la vie nocturne de la ville, et remplacèrent Warhol et ses starlettes dans le paysage. Ils sont d’ailleurs à l’origine du terme “celebutante”, qui évoque une personne célèbre par le simple fait d’exister.

Mais les excès s’amplifient dans les clubs. Cette décadence grandissante, semblant ne plus avoir de limites, se solde par un meurtre. Michael Alig assomme son dealer à coup de marteau avant de le découper en morceaux, et écope de 17 ans de prison. Puis la politique “d’assainissement de la ville” mise en place par Rudolph Guilliani, nouveau maire de New York, aura raison du mouvement, et impactera durablement les cultures queer et festives.

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Alig (à droite) et sa compagne “Genetalia” au Tunnel Club de New York en 1995, l’année précédant son arrestation pour le meurtre d’Angel Melendez. Photographie : Steve Eichner/Getty Images

 

Ainsi s’achèvera l’ère des Club Kids, symboles d’une vie nocturne extrême, dont la disproportion aura mené à sa perte.

Walt Cassidy souligne tout de même l’importance de parler de l’héritage artistique positif des Club Kids, et l’expression de soi permise par le mouvement. “Les Club Kids et les boîtes de nuit constituaient pour moi un espace sûr, pour explorer ma créativité sans avoir besoin d’être sur mes gardes constamment”.

Ce mouvement continue largement d’inspirer la mode, l’art, mais aussi les jeunes activistes LGBTQI+, tout simplement parce qu’il est à l’origine du self branding, avant même l’arrivée des réseaux sociaux. Influenceurs précurseurs, les Club Kids font figures de muses pour de nombreux designers et artistes, tels que Jean-Paul Gaultier, David Lachapelle, Elton John…

Quelques-uns de ses anciens membres connaissent aujourd’hui un rayonnement notoire, et notamment Ru Paul, la plus célèbre des drag queen, à l’origine du show Rupaul’s drag race. De nombreux artistes sont aussi associés aux Club Kids, comme Björk, ou encore l’actrice Chloë Sevigny.

Ainsi, bien que les Club Kids se soient brûlés les ailes, l’essence du mouvement traverse les époques, et a ouvert de nombreuses portes en faveur des minorités de genre et des personnes marginalisées.

 

Article écrit par Maëlle Pinson

 


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