Rencontre avec la Java, lieu mythique de la fête Bellevilloise

Entrez dans le club et venez fouler les plus beaux dancefloors européens. Technopol est parti à la rencontre des gérant·e·s, des programmateur·rice·s, des chargé·e·s de communication… qui ne cessent de faire vivre nos chères et tendres musiques électroniques. Une ode à leur passion, dans ces lieux de culture, de rencontre et de création : iels se battent pour continuer à nous accueillir dans toujours plus de folies, d’inclusivités et surtout de voyages musicaux. Comment ont-ils évolué depuis leur soirée originelle ? Quelle est la particularité de leur programmation ? Qui sont les fêtard·e·s qui font vivre leurs murs ? Et comment nous feront-ils danser demain ? Iels y répondent dans Enter The Club.

 

Le charme de la Java semble toujours faire son succès. Sa programmation variée et son ambiance chaleureuse font le bonheur des habitué·s, comme celui des nouveaux et nouvelles venu·es. Principalement dédié aux musiques électroniques émergentes, le plus vieux club de la capitale à fêté ses 100 ans en octobre 2023. L’occasion de revenir sur des années de fêtes mythiques et de moments de clubbing uniques. Nous avons rencontré Victor, chargé de production et Alban, gérant du club.

 

Vous avez récemment célébré vos 100 ans. Quels sont les grands moments qui ont marqué la Java au fil des époques ?

La Java a été créée en 1923. C’est un lieu chargé d’histoire, classé monument historique, avec une architecture très spéciale, style art déco, et beaucoup d’esthétisme. Le lieu évoque assez instinctivement Edith Piaf, qui a marqué le quartier de Belleville, elle y a fait ses débuts en tant qu’artiste à l’époque ou c’était un piano-bar. Les deux sont intrinsèquement liés.

Au cours des années 20, la Java est devenue un dancing, une guinguette où les gens se rassemblaient en journée. Puis c’est devenu le temple de la salsa dans les années 90. À partir des années 2000 la Java prend une casquette clubbing, comme beaucoup d’autres lieux festifs parisiens. Du début des années 2000 jusqu’au Covid il y a eu 4 ou 5 propriétaires différents, ce qui n’ a pas aidé à apporter de la continuité dans la programmation. C’était beaucoup de coproductions, de location, il y avait plusieurs types d’organisations et de musiques différentes, donc pas de direction artistique définie. Depuis la reprise du club, juste après le Covid nous avons essayé d’avoir une vraie ligne directrice, avec un focus sur l’électro même si c’est assez large, pouvant aller à de la house disco à de la trance. Nous produisons l’intégralité de notre programmation sur le week-end en essayant de garder les valeurs qui nous sont chères, notamment le respect, la bienveillance et l’inclusivité. On développe aussi la partie concert en format before depuis quelques mois, ce qui nous permet de nous diversifier en termes de musicalités et de publics.

 

Comment expliquez-vous la fidélité du public de la Java ? Et comment ce dernier a- t-il évolué ?

Nous sommes dans une rue très commerçante et animée. Nous souhaitons que le public puisse venir à la Java après la fermeture des bars avec l’envie de poursuivre la fête sans trop se poser de questions concernant la programmation. Nous voulons proposer une musique de qualité, tout en étant accessible. Nous prônons la bienveillance du public et du staff… Ainsi, l’objectif est que les personnes viennent naturellement chez nous et qu’iels s’y sentent bien.
Les habitant·es du quartier sont donc des client·es réguliers de la Java. Il est important pour nous de respecter cet écosystème, en faisant attention à limiter l’agitation et le bruit devant le club…Ainsi, la Java est un club bien implanté dans Belleville, apprécié des résident·es alentour. Nous accueillons aussi bien sûr des amateur·rices de musiques électroniques qui viennent de plus loin pour la programmation. Nous souhaitons rester populaire et accessible, et cela marche plutôt bien car un public de tous horizons vient à la Java et repart avec le sourire.

 

La Java se place comme un lieu d’émergence / prescripteur en termes de musiques électroniques. Comment construisez-vous votre programmation ?

Nous travaillons main dans la main avec les collectifs et la scène électronique locale parisienne dont on partage les valeurs et envies. Nous échangeons avec les collectifs sur leurs souhaits et articulons les plateaux selon. Le but est de construire des line-up assez éclectiques avec des artistes qui ont des univers musicaux affirmés. La scène électronique parisienne est très importante, et c’est un plaisir de travailler avec ces personnes, de les accompagner dans leurs projets, tout en y mêlant le nôtre.

 

On constate une hausse des billets pour les événements festifs. À la Java, la politique tarifaire reste très accessible (entre 0 et et 15 euros avec le free pass), et l’entrée est gratuite avant minuit. Comment conciliez vous accessibilité et objectifs de rentabilité du club ?

Depuis que nous sommes arrivé·es, en 2021, nous n’avons pas augmenté nos prix, que cela soit sur la partie billetterie ou bar. Cette accessibilité fait partie de l’ADN du club, et nous nous devons de la respecter. C’est un club populaire. Nous pensons que le fait d’augmenter nos tarifs serait mal perçu. En revanche, nous développons les événements en before comme les concerts, ainsi que la partie commerciale : la Java est aussi un établissement qui est mis en location pour des tournages, des shootings…Nous essayons de remplir l’établissement avec ce genre de privatisations du lundi au mercredi. C’est plus de travail, mais ainsi, on respecte le public de la Java, quel que soit son pouvoir d’achat.

 

Les notions d’inclusivité, d’éthique et d’écologie sont des questionnements majeurs des scènes de musiques électroniques et des espaces de fêtes. Est-ce au cœur des préoccupations de Java ? Et comment les adopte t-elle ?

Tout d’abord, les équipes ont fait les formations Consentis. Les équipes de nuit sont en premier contact avec les personnes. Ainsi, avant chaque événement, il y a un brief fait avec le directeur de la sécurité pour faire en sorte que le public se sente le mieux possible, soit accueilli dans le respect. Sur la partie inclusivité, cela passe par la programmation : on veut que tout le monde puisse se retrouver dans les plateaux. Nous voulons que La Java forme un mélange et inclut tous types de personnes.
Concernant la partie écologie, nous ne sommes pas parfaits mais nous mettons des actions en place à notre échelle : pas de plastique jetable, les verres sont en polycarbonate. L’intégralité du staff a des gourdes. Nous mettons à disposition des carafes d’eau, et même si les gens demandent encore parfois des bouteilles d’eau, notre objectif à court terme est de les supprimer. Sur la partie booking, nous privilégions les mobilités douces au maximum et notamment les trains comme l’Eurostar ou le Thalys pour les artistes internationaux·ales, la mutualisation des taxis…

 

Dans 10 ans, la Java ce sera quoi ?

Si la Java pouvait être la même dans 10 ans ce serait déjà une réussite pour nous. Nous voulons pérenniser l’établissement, rester un club électro apprécié à Paris. De manière plus concrète chaque année, nous investissons dans du matériel et des travaux de rénovation. L’affluence qu’il y a en ce moment à la Java nous permet aussi d’améliorer le système son, le bar…Nous allons également améliorer l’entrée du club. Le but est vraiment de faire vivre le lieu, tout en conservant son ADN. Par ailleurs, nous voulons aussi pérenniser notre équipe : en 2-3 ans le staff n’a quasiment pas bougé (barman, sécu…) C’est important pour la clientèle de revoir les mêmes visages, et je pense que nous pouvons vraiment remercier ces professionnels. Il y a une vraie connexion des équipes, ce qui fait que c’est aussi plus agréable de venir chez nous.


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