Rencontre avec le fondateur de Pont Neuf Records : Thomas Prunier

Qu’iels soient des lieux de diffusion, des artistes, des agences de production, des labels, des organisateur·rice·s d’événements,.. Depuis sa création en 1996, Technopol voue ses actions à la représentation des différent·e·s acteur·rice·s du paysage des musiques électroniques. Troisième interview d’une série de rencontre avec nos adhérent·e·s : découvrez Thomas Prunier, créateur du label Pont Neuf Records et membre du comité label chez Technopol.

Le label house français qui nous fait groover depuis 6 ans, que l’on ait un tourne disque ou que l’on soit sur la piste, fait partie du comité label créé l’année dernière chez Technopol. Directement touché par la sous-représentation des musiques électroniques dans les médias, Pont Neuf Records entreprend avec d’autres labels un travail de réflexion et d’actions concrètes pour faire reconnaître leur culture trop souvent sous-côté. Le label a vu le jour sous les étoiles de la capitale française avec Thomas Prunier, ancien promoteur et organisateur de soirées. 

 

Quelle est ta relation avec les musiques électroniques ? Et comment sont-elles arrivées dans ton parcours professionnel?

Ma relation avec les musiques électroniques a commencé assez jeune. Je suis tombé dedans grâce à mon père qui m’a acheté mes premiers CD de musique électro, notamment ceux des Daft Punk, donc plutôt avec la French Touch. J’ai continué de mon côté à avoir le nez dedans en ayant tout d’abord un blog puis en devenant programmateur d’une webradio étudiante avec comme spécialité les musiques électroniques. Par la suite, j’ai monté mon collectif appelé Sprëe Factory, comme à peu près tous les jeunes qui veulent se mettre un peu dedans à la vingtaine. C’est ce qui a débouché sur la création de Pont Neuf, à travers les rencontres de tout un tas d’artistes durant les soirées que j’organisais. L’aventure du label a donc commencé début 2016. Pour l’instant, je ne peux pas être à 100% mais le projet continue de se développer ! Être un label indépendant n’a pas le même modèle économique qu’une autre entreprise. On ne répond pas vraiment à un besoin en particulier malgré une énorme demande et des milliers d’artistes. C’est un métier de passion avant tout. Tu ne te lances pas avec en tête de devenir riche ! Parfois le hasard fait que tu vas rencontrer un artiste qui trouve son public, qui grandit et avec qui il y aura la possibilité de faire développer sa carrière en tant que label manager.

  

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton métier ? 

Pour résumer dans les grandes lignes, lorsque l’on est un label manager et producteur, on paie à l’artiste une fois avoir écouté  ses démos un studio pour masteriser et mixer ses morceaux afin de créer les bandes master. D’un point de vue 100% label, on s’occupe plus de la partie exploitation des bandes master créés au préalable. Il faut les faire commercialiser par un distributeur en digital, en vinyle ou sur CD. Au-delà de juste les commercialiser, c’est aussi d’amener un maximum de monde à écouter et découvrir les productions de l’artiste qu’on a sur son label. Ce métier, c’est aussi investir sur quelqu’un et prendre des risques avec cette personne en accompagnant sa carrière et ses projets sur le long terme.  

 

Qui compose l’équipe de Pont Neuf Records ? 

Il  y a moi, encore moi et moi-même aussi ! Je suis tout seul pour gérer le label management, le management des artistes et l’édition. Je travaille tout de même avec pas mal de partenaires qui m’aident, sinon je serais tout bonnement un homme mort qui ne dort jamais ! Sur le label il y a un distributeur vinyle et digital qui m’accompagne. Sur l’édition, c’est une agence qui m’aide à gérer toute la partie admin des droits qui sont générés par le catalogue édition et ce qu’on sort sur Pont Neuf. C’est moi qui m’occupe du management parce que je gère aussi le développement de la carrière des artistes. Il m’arrive d’aller chercher des sorties ailleurs que sur Pont Neuf pour toucher des publics sur d’autres territoires car pour l’instant avec le label on est principalement sur la France . Aussi, je vais chercher des agences de booking pour les artistes, ce qui me demande également de faire la passerelle entre l’agence et eux.

Quand et comment as-tu rencontré le chemin de Technopol et quel est ton implication au sein de l’association ?  

J’ai adhéré à Technopol avec Pont Neuf il y a 3 ans, parce que vous proposez un accompagnement juridique qui est nécessaire pour d’une part, savoir dans quoi on met les pieds et d’autre part pour comprendre un peu mieux l’écosystème dans lequel on évolue. Si je n’avais pas adhéré à Technopol, je n’aurais peut-être pas eu l’idée, aussi rapidement, de créer une partie édition au sein du label. Concrètement, c’est une autre source de revenue possible en tant que producteur et éditeur de son propre catalogue. Ensuite, depuis le covid, les raisons de mon adhésion ont évoluées. Même si en tant que label nous n’étions pas les plus touchés car les gens ont beaucoup plus écouté de musique, sur d’autres activités les conséquences fût et sont toujours désastreuses. En participant à des visios via le réseau Technopol et en discutant avec d’autres labels qui avaient la volonté de se rassembler, on s’est rendu compte que nous avions des problématiques communes et assez fortes. C’est de là que le comité label a vu le jour. Il y avait un réel besoin de réfléchir et de bosser ensemble. Le comité a pour vocation d’aller défendre des sujets qui nous touchent et de faire évoluer nos métiers. Sans trop m’attarder, je tiens tout de même à dire que nous avons une culture en France qui se gargarise de l’époque French Touch ; « on a les meilleurs producteurs de musiques électroniques » ; mais qu’en même temps il y a un manque de reconnaissance de la scène actuelle. Aujourd’hui, on est vraiment resté scotché sur ceux·celles qui ont marché et pas sur les artistes émergent·e·s qui sont les créateur·rice·s de demain.

 

Peux-tu nous expliquer plus en détails ce que vous mettez en place au sein du comité label ?

Sur ce comité, on a Céline de Shouka, Élise de Citizen records (Vitalic),  Max de AMS,  Simon de Happiness Therapy, Julien de Boxon Records, Lorenzo et Jakob de Maison Close et moi avec Pont Neuf. Comme je le disais précédemment, on a pour vocation de réfléchir sur plusieurs problématiques identifiées. Plus il y aura de labels adhérents, plus il y aura de nouvelles problématiques qui vont émerger et plus on va pouvoir mettre en place des actions concrètes. À ce stade, la vraie question est de trouver comment arriver à défendre notre scène.  En comparatif, il y a plein de choses qui se font à l’étranger sur les musiques électroniques. Quand on regarde au Royaume-Uni, même si c’est une tout autre culture, il y a énormément de musiques électroniques qui passent en radio sur le réseau BBC (réseau radiophonique le plus écouté au monde). Il y a par exemple des Top qui sont vus dans le monde entier. Je pense notamment au Top DJMAG et à celui de la BBC encore une fois. Aussi, il y a des médias spécialisés en musiques électroniques suivis à l’internationale comme Resident Advisor. En France, on a rien de tout ça ! On ne passe pas en radio, ou alors très peu car les musiques électroniques, plus underground, sont inexistantes sur ces plateformes de diffusion. Pour la partie média, hormis Tsugi, Trax, Les Inrocks, Dure Vie, etc on n’est presque pas représenté. Aucun média ne se positionne pour créer un Top de l’année afin de féliciter et de gratifier les artistes ayant le mieux performé. Et tout ça alors que les musiques électroniques sont le deuxième genre le plus écouté sur les plateformes de streaming après le rap. Et c’est surtout à l’export, la musique qui se vend le mieux à l’international. Ce qui veut dire que le potentiel existe mais qu’il n’y a personne pour le supporter et l’exploiter.

C’est justement assez marrant, encore une fois de faire le lien avec ce sujet dans le passé et de se rappeler qu’on est des pionniers dans les musiques électroniques avec par exemple l’artiste Jean-Michel Jarre, Daft Punk, Etienne de Crécy, Cassius,… mais qu’on est incapable de vouloir pérenniser ce qui est une exception culturelle en France.

Ce que Garnier explique, dans quasiment toutes ses prises de paroles, c’est le mal qu’il a eu à se faire connaître en France. Ce n’est que lorsqu’il est parti faire carrière à l’étranger qu’il s’est enfin fait reconnaître. Si l’on veut revivre l’effervescence musicale des années 2010, lorsque de nombreux·euses artistes ont eu du succès (surtout après leur mort par manque de reconnaissance), il faut soutenir la scène actuelle. Sinon on restera toujours tourné vers le passé en se remémorant les années de gloire de la French Touch. 

Pour en revenir au comité label, on travaille tout d’abord sur la représentation des musiques électroniques dans les médias. Sur comment on peut venir apporter notre soutien en tant que comité de Technopol. Et, pardonnez-moi pour ce terme mais il est très représentatif de nos besoins, nous devons aller faire de l’évangélisation auprès des médias plus généralistes. Notre rôle est d’aller chercher des places de diffusions et de faire savoir qu’elles existent aux autres labels.

Un autre axe de notre travail, qui sera déployé sur le long terme et qui ne concerne pas que les musiques électroniques, est celui du modèle de répartition des royalties sur les plateformes. Aujourd’hui, avec les NFT qui sont la nouvelle mode en ce moment, j’ai un artiste qui a vendu un morceau pour 160 euros. Quand tu compares avec un stream, donc une vente sur les plateformes digitales, c’est 10 000 fois moins. Certes, cela reste compréhensible mais c’est aussi révélateur du gros écart entre les deux et cela montre que le modèle n’est pas toujours rentable pour les artistes sur les plateformes de streaming. 

 

Quel est le message que tu voudrais faire passer aux labels qui ne connaissent peut-être pas encore Technopol ?

Les labels ont un intérêt à adhérer à Technopol, tout d’abord avec les services premiers qu’apporte l’association. Je pense notamment à l’aide juridique qui m’a été utile par le passé. C’est un réel soutien pour développer son label, pour comprendre l’écosystème dans lequel il évolue et pour se professionnaliser. Ensuite, c’est aussi un engagement de tout à chacun pour que l’on puisse donner du poids à la voix de Technopol auprès des institutions et des gens qui ont le pouvoir de faire bouger les choses. L’idée c’est d’être porte-parole d’une scène, d’élever et de soulever des problématiques qui ne soient pas uniquement celles d’une dizaine de labels mais d’une scène qui se fédère.

 

Pour adhérer à Technopol c’est ici !

En adhérant à Technopol, c’est un soutien essentiel que vous apportez à toutes nos actions d’accompagnement et de promotion des cultures électroniques. Mais être adhérent·e à l’association vous offre aussi plusieurs avantages : plus d’informations sur notre lien HelloAsso !

 

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