Toh Imago : « J’étais curieux et hyper excité de voir comment d’autres artistes pouvaient s’approprier et réinterpréter mes morceaux »

Si le mystérieux et hypnotique Toh Imago sillonne la scène électronique depuis 2012, ce n’est qu’en octobre dernier qu’il sort son premier album, Nord Noir. Cette oeuvre musicale, socialement engagée, offre un voyage enivrant à travers son récit familial marqué par les mines du Nord. Dans son EP Nord Noir Remixes paru le 6 mars, l’artiste propose une ré-interprétation de cette odyssée par Nathan MicayrRoxymoreApollo NoirAgency666 et Texture Droite. Rencontre avec ce musicien narrateur qui entretient un fort rapport au temps. 

 

Gordon Shumway, Gordon et aujourd’hui Toh Imago : que représente cette nouvelle identité pour toi ?

Disons que c’est un peu comme l’aboutissement de tout ce que j’ai pu apprendre avant. Pour sortir cet album il fallait que j’entre dans une nouvelle façon de faire de la musique, que j’essaye de sortir de la musique purement « club ». L’imago c’est le stade final des êtres vivants (souvent insectes) qui passent par plusieurs phases. Par exemple, le papillon est l’imago de la chenille.

 

En quoi la musique est un support pour traduire tes sentiments ? Considères-tu ta musique comme socialement ou politiquement engagée ?

L’album « Nord Noir » a beaucoup été écrit autour d’un ressenti pour faire passer l’histoire que je voulais raconter, qui a forcément un fort message social. Le discours était important, la musique se base, elle, sur le ressenti.

 

Ta référence littéraire est “Le jour d’avant”, qui décrit la réalité des mineurs dans le nord de la France. Que représente ce livre pour toi ?

Ce livre a été un élément déclencheur pour le concept de l’album car il a fait écho à mon histoire familiale, à celle de mon grand-père, victime d’un accident dans une usine lié aux mines.

 

Quelles sont tes références musicales et les artistes que tu suis de près ? Où puises-tu ton inspiration ?

C’est assez difficile d’en donner une liste exhaustive, mais globalement sur cet album ce qui m’a inspiré c’est surtout la scène anglaise « bass » mais aussi et surtout des artistes comme Andy Stott, Nathan Fake, Not Waving… J’ai aussi beaucoup écouté l’album « Public Energy N°1 » de Speedy J. Depuis tout petit je suis un grand fan des Chemical Brothers et des premières B.O d’Eric Serra, je pense vraiment qu’indirectement ça m’influence.

 

Parle-nous de ta journée-type, qu’est-ce que tu utilises pour produire ?

Je produis beaucoup dans la soirée. J’ai un bureau qui fait office de « home studio », que je partage avec Clémence, ma copine, je ne saurais pas dire pourquoi mais sa présence me donne une certaine énergie. La base de ma composition c’est Live en tant que sequencer pour contrôler quelques synthés via un Push 2. J’ai un Korg MS10, un Korg Monologue, un Behringer Neutron, un Roland D-05 et un Roland JX-03. Parfois, je peux passer beaucoup de temps à essayer de construire une nappe sur le D-05 et ça part de là, sinon ça part souvent de recherches sur la rythmique.

 

Quelle est l’histoire derrière Nord Noir et quel sentiment souhaites-tu générer chez ton public ?

L’idée autour de Nord Noir était de raconter une histoire liée à mon histoire familiale mais qui a surtout forgé ma jeunesse. Le bassin minier c’est un lieu où j’ai grandi, un lieu qui a une mauvaise image, où le Rassemblement National a établi un fief et qui pourtant a un passé fort. J’avais envie d’y revenir, de m’y replonger et de partager cette histoire, à travers mon ressenti, à des auditeurs qui ne la connaissent pas forcément.

 

Tu as préparé cet album en 18 mois, comment as-tu fait évoluer chaque morceau au cours du temps ? Quel a été ton processus créatif ?

Je me suis fixé des règles sur la composition de cet album. D’abord, j’ai développé des thèmes par morceau, je m’informais dessus au maximum. Puis, je passais, chez moi, à la phase d’écriture et de composition sur mes machines. Une fois les morceaux composés, je partais au Full Rotor Bass Studio à Beauvais avec mon ami Olivier Vasseur, pour enregistrer tout ça en utilisant quelques unes de ses machines. L’idée était de ne se limiter qu’à quelques machines, chacune ayant son utilité. Les basses avec le MS-10, certaines mélodies et quelques basses avec le Mono/Poly, des basses et des mélodies avec une 303, des mélodies avec le JX-3P, toutes les nappes avec le D05 et enfin toute la rythmique avec une Tanzbar. Je ne suis pas un « nazi » de l’analogique, je trouve au contraire que l’association analogique et numérique amène des possibilités infinies avec une qualité de son remarquable, mais je voulais ici me limiter pour apporter un grain particulier à l’album. Ces machines c’était un peu mon groupe et moi le chef d’orchestre.

 

Quel était ton objectif en proposant une version remixée de Nord Noir ? Est-ce une suite de l’histoire ou la même histoire racontée différemment ?

J’étais curieux et hyper excité de voir comment d’autres artistes pouvaient s’approprier et réinterpréter mes morceaux. J’ai proposé une liste de remixeurs à Infiné, et quand j’ai appris qui avait accepté je n’en revenais pas, c’est génial. Et quand j’écoute le résultat je n’en reviens toujours pas ! Ils ne se sont pas consultés et pourtant cet EP est super cohérent, le grain de chaque remix est fou.

 

Comment as-tu sélectionné les morceaux qui ont été remixés dans ton nouvel EP ?

En fait, nous avons laissé le choix aux artistes, je pense que c’est important que le remixeur s’y retrouve. Chacun va chercher dans ces morceaux des éléments qui lui sont propres.

 

Des projets à venir à nous dévoiler en exclu ?

Ce n’est pas vraiment une exclu (désolé !) mais je joue le 10 juillet au Louvres-Lens en première partie de Jeff Mills en marge d’une exposition temporaire qui s’appelle Soleil Noir. Ce n’est pas une exclu mais c’est hyper cool !

 

Retrouvez toutes les informations sur Toh Imago sur sa page Facebook et celle de son label.

 

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