Laurent Bassols revient sur les 9 ans de la radio Rinse France dans notre rubrique 10 min avec

Retranscrire une rencontre, transmettre une histoire, délier les langues et apprendre de celles·ceux qui façonnent notre paysage des cultures électroniques. Technopol part à la découverte des personnalités singulières de notre milieu, certaines dans l’ombre et d’autres sur le devant de la scène.

Pour le nouvel épisode de notre rubrique 10 min avec, nous avons posé quelques questions à Laurent Bassols, à la direction des événements de la radio Rinse France qui fêtera ses 9 ans ce soir à La Machine du Moulin Rouge. Rencontre.

 

Peux-tu revenir sur les débuts de Rinse France ? Comment est né le projet de l’antenne ?

Le projet est venu de Manaré qui a eu l’idée de monter Rinse. C’est venu du constat qu’il n’y avait pas de médias qui rassemblait les différents pans de la scène des musiques électroniques parisienne et à terme française.
À la base, le projet devait s’appeler Radio Paname. On a fait une première soirée pour lever des fonds et une semaine après Manaré a été contacté par les boss de Rinse de l’époque pour développer sa radio sous l’égide de Rinse France.
Cette fusion est vraiment partie sur l’idée d’une collaboration : ils nous ont apporté une structure, des moyens et une marque établie à l’international et de notre côté toute la direction artistique. Nous n’avons eu aucune recommandation de leur part sur la programmation, ils avaient cette volonté de laisser les clés à un acteur directement impliqué sur la scène locale.

 

Quel virage a pris la collaboration ?

Les trois premières années, nous étions vraiment dépendant·e·s d’eux autant au niveau financier que sur des aspects plus spécifiques à la gestion d’une radio. Il y a plein de choses que nous aurions appris sur le tas et c’est vrai que c’est allé beaucoup plus vite que si nous avions démarré en indépendant.
Au bout de ces trois ans, nous sommes devenu·e·s autonomes financièrement. Nous avons continué de développer le projet de l’antenne Rinse en France, c’était la même marque mais deux entités qui évoluaient en parallèle.
C’est assez marrant car aujourd’hui, c’est un peu l’effet inverse. Nous avons plus qu’un seul et même site ce qui a permis de rapprocher pas mal nos activités afin d’avoir des systèmes communs pour permettre de collaborer plus facilement si nous voulons faire des choses avec l’Angleterre.
Après la radio Rinse reste vraiment séparée par territoire, eux s’occupent du territoire anglais et nous du territoire français.

 

Comment êtes-vous structurés chez Rinse ?

On est 7 personnes à temps plein et il y a des bénévoles qui interviennent sur la partie radio / studio.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a plusieurs aspects dans notre activité. Bien évidemment la radio qui est davantage un projet associatif et en parallèle, une société que nous avons montée avec Florent et Manaré qui dépend plus ou moins de l’Angleterre via une forme de licence.
Nous avons une activité d’agence, où nous collaborons avec des marques par le prisme de la musique. Cela peut prendre différentes formes, de la création de playlist à la création d’événement originaux par rapport à des lancements, des campagnes, des dîners ou bien des podcasts…
Il y a aussi la partie événementielle qui ne concerne pas des événements de marque mais des formats club comme celui du 10 février à La Machine.
Nous avons aussi les partenariats médias qu’on fait avec des festivals où nous délocalisons l’antenne, où nous organisons des interviews, où nous faisons de la promo comme d’autres médias peuvent le faire.
C’est en fonction de ces différentes activités que la répartition des équipes est faite.

 

Pour revenir sur la direction artistique de la radio, quelle a été l’évolution de Rinse depuis sa création ?

Par rapport au début, cela a pas mal changé étant donné que le projet avait été pensé par Manaré. C’était vraiment axé sur la scène parisienne, il y avait une vraie volonté de mettre en avant la scène locale. Depuis, Rinse a évolué puisqu’il y a des artistes qui viennent de partout en France.
Nous avons laissé plus de place au rap, à l’afrobeat, au dancehall… Classifier par genres musicaux est un peu réducteur et ce n’est pas comme ça que nous voyons les choses. L’idée pour nous est aussi de casser des barrières et d’amener plus de richesse et d’intérêt que de défendre 3 ou 4 esthétiques musicales.
Donc oui, il y a une évolution sur la dimension nationale de la radio et au niveau purement musical puisque nous prônons plus de diversité.

 

Comment se font les choix des résidences artistiques ?

Il y a plusieurs approches. En premier lieu, nous essayons de remettre en question nos propres goûts car on ne peut pas se baser sur le fait d’aimer tel ou tel artiste. Nous discutons beaucoup entre nous, nous avons aussi des inputs de nos résident·e·s qui vont nous conseiller certains profils. C’est via ces discussions et ces recommandations de la part d’artistes bien plus perfectionné·e·s que nous sur certains genres qui vont nous aider à étendre nos horizons.
Certaines résidences se font par la voie classique, à savoir une demande par mail. D’autres, viennent avec un projet très précis d’émission, à ce moment il faut se poser pour bien comprendre et bien redéfinir le concept. L’idée pour nous est de proposer quelque chose où les artistes sentent qu’ils ont carte blanche.

 

Comment se passe la prog sur une journée ?

On réfléchit à ce que l’évolution de la musique se fasse d’une manière assez progressive. Ce n’est pas une question de genre mais plutôt d’intensité.
En première partie de journée, c’est une playlist qu’on upload chaque semaine et ensuite on enchaîne sur une émission de jazz, de musique latine ou d’ambient puis des talks. Petit à petit, nous montons en intensité jusqu’au soir avec des formats plus club, enfin même à partir du milieu d’après-midi (rires). Il n’y a pas d’autres motifs de restriction sur la programmation à part celui-ci.

 

Quelle est la place que prennent les artistes émergent·e·s dans votre programmation ?

C’est super important. Par rapport au début, nous avions autant d’artistes établi·e·s que d’artistes émergent·e·s. Mais plus nous avons avancé, plus nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un réel intérêt de contribuer au développement de cette scène.
En fait, Rinse a un rôle très important à jouer vis-à -vis des artistes qui manquent de visibilité et qui ont du mal à accéder aux médias. Et c’est justement en leur offrant un espace d’expression que nous arrivons à pousser leur musique, leurs contenus, leurs projets. C’est clairement l’axe principal sur lequel nous nous focalisons maintenant.

 

Comment intégrez-vous la notion de diversité et d’inclusion des minorités dans votre programmation ?

On va dire que sur les premières années, c’était traité de manière plus instinctive, on a toujours porté un regard attentif sur la question.
Aujourd’hui, nous le faisons de manière plus proactive pour que ce soit utile. On ne fait pas de quotas mais nous essayons quand même de comparer les chiffres de la programmation pour se faire une idée un peu plus précise. Nous sommes hyper vigilant·e·s car on se doit d’être représentatif que ce soit à la radio ou pour nos événements .

 

Pour revenir sur la partie événementielle, plutôt sur les événements club, l’idée pour vous est d’aller chercher le public ?

Exactement. C’est difficile de se rendre compte de l’engouement réel qu’il y a derrière même s’il y a des vues et des plays. Pour nous, cela reste assez abstrait, c’est de la data.
L’importance des événements est de voir les personnes qui suivent la radio, qui nous écoutent. Rencontrer notre communauté.
Cela a une part très importante et c’est un des axes qu’on a l’ambition de développer davantage.

 

Peux-tu nous parler de la date du 10 février à La Machine ?

Disons que cela rejoint la question d’avant. Jusqu’à nos quatre ans, nous n’avions fait que des petits événements par ci par là. La première fois que nous avons fêté notre anniversaire à la Machine, nous étions surpris car nous n’imaginions pas remplir autant.
Depuis c’est devenu un rendez-vous et un de nos temps forts. Cela nous permet de mettre en avant les résident·e·s de la radio, de mélanger tous ces genres et pas réfléchir en termes d’esthétique musicale mais plutôt rassembler du monde autour du projet Rinse.

©Tristan Conchon

 

Tu me parlais aussi des tournées d’évènements que vous alliez faire en France et à l’international. Comment avez-vous fait le choix des villes et des clubs ?

C’est un mélange de choix et de concours de circonstances.
Il y a des lieux comme le Macadam à Nantes où nous avions déjà bossé ensemble auparavant, c’était vraiment une volonté des deux parties de renouveler une collaboration.
Pour la Suisse et la Hollande, ce sont deux personnes qui nous ont contactés pour faire des événements là-bas.
Pour Fribourg, c’est une personne qui avait participé aux workshops de DJ qu’on faisait au tout début à la radio qu’on organise maintenant à Citadium. Il nous a recontacté pour nous proposer de faire un événement. Son collectif s’appelle Patate Douce et la soirée se fera à Fri-Son qui est un lieu de salle de concert, salle culturelle.
Pour Rotterdam, c’est une de nos anciennes résidente orga, artiste et à la tête de son agence de booking Laura BCR, qui nous a proposé un super club qui s’appelle POING.
J’en profite pour faire une parenthèse mais toutes les dates qu’on fait en dehors de Paris font l’objet de collaboration avec des acteur·rice·s locaux et locales. C’est beaucoup plus logique par rapport à notre positionnement et beaucoup plus pertinent de le faire avec des gens qui s’investissent à l’année sur leur ville et qui vont avoir la même ambition que nous de défendre la musique. C’est un cercle vertueux car nous pouvons leur donner de la visibilité sur la radio, et eux nous apportent un soutien local pour qu’on puisse avoir un public qui correspond aux valeurs de la radio.
Pour Marseille, cela faisait un moment qu’on organisait des événements là-bas, nous avions une résidence au Chapiteau depuis presque deux ans. Et depuis quelques mois, nous bossons pas mal avec le Cabaret Aléatoire. Iels nous ont proposé de faire un événement un peu plus gros. À chaque fois ce sont des projets qui se sont faits de façon naturelle et c’est ce qu’on aime.

 

D’autres changements de prévus pour 2023 ?

Le gros changement est qu’on va changer de local car l’équipe a grandi mais le local pas du tout (rires).
Même si on est attachés à ce petit studio on est quand même hyper content·e·s de bouger. Cela va nous permettre d’avoir deux studios, un pour le direct équivalent à celui qu’on a et un tout petit studio en parallèle qui permettra à des artistes qui veulent venir mixer, d’enregistrer leur sets à l’avance et donc d’avoir plus de disponibilités pour tout le monde au final.
Il y aura un plus grand espace de bureau à l’étage et donc une meilleure capacité d’accueil au rez-de-chaussé que ce soit pour les artistes que pour leur entourage et les équipes.
On sera vers Oberkampf, pas très loin de là où nous sommes finalement. Si tout se passe bien, nous déménagerons là-bas courant avril.

 

Retrouvez tous les événements de Rinse ici.

 


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