Sina XX “L’inscription à la SACEM est la carte d’identité d’un musicien.”
Mener plusieurs projets à bien n’est pas toujours chose facile, encore moins dans le domaine des musiques électroniques et de l’événementiel où le marché est, pour certain, saturé. Producteur, DJ, organisateur, directeur d’un label ; rencontre avec Sina XX.
DJ, producteur, community manager, fondateur d’un collectif aujourd’hui label, et rédacteur à tes heures perdues. Parles nous de ton parcours, par où as-tu commencé ?
J’ai commencé la musique au conservatoire et ça ne m’a jamais quitté. J’ai fait des études de Commerce (pour les abandonner un an avant le diplôme, un cauchemar pour les parents) et je me suis dirigé vers les réseaux sociaux car j’ai toujours aimé écrire. C’était mon job jusqu’à l’année dernière. Depuis je suis à plein temps sur ma musique et Subtyl, collectif et label que j’ai co-fondé.
Tu fais de la musique depuis un bon moment et tu t’es enregistré à la SACEM très récemment. Qu’est-ce qui a motivé ta décision ?
L’inscription à la SACEM est la carte d’identité d’un musicien. Si j’avais su ce que cela représentait – en terme de versement des droits et de protection du pseudonyme, je l’aurais fait il y a des années. À moi les royalties maintenant.
As-tu rencontré des difficultés dans les démarches administratives pour t’enregistrer en tant qu’artiste ? (Ton changement de nom peut-être ?)
Pas particulièrement. J’ai bossé au SNEP (le syndicat des producteurs phonographiques) et j’en ai profité pour me renseigner à fond sur l’aspect administratif de la vie d’artiste. Le seul souci, c’est qu’il faut déjà être au courant que ces démarches existent. Et malheureusement, comme beaucoup de jeunes artistes, je l’ignorais totalement. Une fois que tu as l’info – du moins connaître grosso modo le rôle des institutions qui existent – il est assez facile de les contacter et de leur demander de l’aide. La Sacem notamment est très ouverte sur ce genre de chose. On peut y aller sans rendez-vous à n’importe quel moment de la journée.
À côté de ton activité d’artiste, tu organises des événements : les soirées Subtyl. Comment ces soirées ont évolué depuis les débuts ?
Subtyl est un collectif d’artistes qui considère l’événement comme une œuvre globale, dans laquelle participants, artistes et performers forment un tout. À ce niveau là, nous sommes restés très proche de notre esprit original : créer de l’interaction, faire les disciplines se rencontrer, toute en mettant en avant la scène de musique électronique. Ce qui a changé c’est qu’on est plus structuré. L’équipe a grandi, ce qui laisse à chacun la place de faire ce qu’il ou elle aime. Les nouvelles personnes qui nous ont rejoints ne faisaient pas forcément partie d’un cercle d’amis – Z.A.N et Candice nous ont contacté d’eux-mêmes par exemple.L’autre chose c’est la programmation. Au début, nous avons pris le parti de défendre uniquement la scène française, en faisant le max pour avoir une programmation paritaire et ouverte sur différentes scènes. Il y a certes beaucoup de techno mais on invite aussi des artistes en house, break, hardcore et expérimental. Depuis deux ans, on invite également des artistes étrangers.
Le retour de Weather a été marqué par un manifeste expliquant leur nouveau modèle de fête plus cohérent avec le monde d’aujourd’hui. Le public évolue et il faut s’adapter. Est-ce que toi aussi tu ressens un changement au niveau de ton public ? Souhaites-tu insuffler un nouveau tournant à tes événements ?
Dès l’origine du projet, on a remis en question les codes des évènements nocturnes ; les services de bouteilles ridicules, les physios oppressants, les DJs stars, la culture du jugement. C’était aussi très rare de voir des soirées défendre la scène locale. Après 7 ans, notre public continue à nous suivre. On a réussi à faire grandir le projet en gardant un esprit familial et fidèle à nos valeurs. Ce besoin d’indépendance nous a poussé à ouvrir notre propre espace, le Megadestock et notre label. Aujourd’hui l’idée est de développer ces deux aspects pour continuer à faire kiffer nos concitoyens pour les 20 prochaines années.
Difficile de ne pas te parler du Mégadestock, ce lieu que Subtyl à investi l’été dernier pour toute une série d’événements. C’est compliqué de trouver des lieux pour un événement unique alors pour de la longue durée n’en parlons pas. Parle-nous de ce projet, comment l’idée est venue et comment cela s’est déroulé.
A vrai dire on a toujours bossé sur du long terme, sauf cas exceptionnel. Notre première résidence dans un hangar a tenu trois ans. Mais ce n’était pas chez nous à 100% et l’idée d’avoir nos murs nous excitait depuis longtemps. Pour fédérer un public, il faut un espace. Ca vaux pour la techno, le yoga, la politique, l’éducation…
Le fait qu’on soit hyper carré sur l’organisation de nos évènements nous a valu la confiance des propriétaires avec qui nous dealions. Un jour, un peu par accident, j’apprend que l’un d’entre eux détient un supermarché hallal, fermé depuis plusieurs mois. On visite et on tombe tout de suite sous le charme. Quant à ce qui s’est passé là bas, nous n’en parlerons pas. 😉
Tu as sorti récemment la compilation Mégadestock, un beau projet où l’on retrouve une vague d’artistes présents sur vos teufs. Comment t’organises-tu pour gérer tout ça ?
Merci beaucoup ! Le collectif fonctionne avant toute chose grâce à l’implication des membres. C’est la plus grande force et valeur de l’asso. On a chacun trouvé notre place et on est vraiment complémentaire. On se met d’accord à chaque trimestre sur l’implication et la disponibilité de chacun et on construit notre calendrier sur cette base. On a aussi une grosse communauté de bénévoles et RPs qui nous aident grave. On utilise les outils collaboratifs, notamment Trello et Google Drive. On essaye de « systémiser » tout ce qui peut l’être, tout ce qui est répétitif, pour pouvoir se concentrer sur le créatif. Dès qu’un truc est relou ou rébarbatif, on essaye de l’automatiser. Quant à moi je divise mon temps à 40% sur le collectif et 60% sur ma musique. Parfois j’essaye de dormir.
La fête libre a connu quelques coups durs dernièrement, le décret son mais surtout une multitude de descentes policières et d’annulations saugrenues. Quel est ton avis là-dessus ?
Clairement, ça me fait chier. En France, la culture électronique continue d’être stigmatisée dès lors qu’elle sort du cadre. Londres, Berlin ou Amsterdam ont su valoriser leur patrimoine industriel en y installant des lieux de culture et de fête. En France, on préfère construire des hypermarchés polluants que développer le vivre-ensemble. Il faut continuer à se battre pour défendre ces valeurs. Par contre, je resterai mesuré par rapport aux annulations. Souvent, elles sont dues à des couacs administratifs, plutôt qu’à une volonté d’empêcher cette scène artistique de se développer. On se rencontre aussi alors que nous avons toujours fonctionné en autarcie et aujourd’hui c’est à nous de faire un pas vers les autorités.
Comment penses-tu que notre façon de faire la fête va évoluer ?
Nous avons besoin d’un temple. Un lieu majestueux, stable, brute de béton. Un monument dédié à notre culture, à la recherche de la trance et de la danse. C’est ce qui placera Paris à l’avant-garde des cultures underground. J’aimerais aussi voir l’espace festif et dansant accueillir d’autres démarches ; des sessions de stretching, des bars à fruits, des espaces de méditation. Et une vraie révolution sur le cycle des déchets. Club Maté travaille là-dessus par exemple, le retour de la consigne etc…
Une solution à proposer pour s’en sortir ?
Rester curieux et passionné.
Et finalement quels sont tes projets pour 2019 ? Va-t-on retrouver une nouvelle version du Megadestock ?
J’ai deux EPs qui vont sortir sur Tripalium et RND cette année. C’est un moment que j’attends avec impatience. On va aussi développer le label Subtyl avec l’arrivée de Munsinger et Size Pier dans les résidents. Le 17 Mai prochain on présentera une nouvelle collaboration pour notre œuvre holographique « Rond Comme Un cube » avec Femur. Pour ce qui est d’un lieu, on est évidemment très chauds !
Retrouvez toutes les informations sur Sina XX sur sa page Facebook ou celle de son label Subtyl.